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Ouvre Ton Coeur d’Amour

Aux Anciens du Collège Français de Tourane et du Lycée Blaise Pascal de Danang

(avec nostalgie & affection)

2 avril 2020

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OUVRE TON COEUR D’AMOUR

reste loin des dogmes pour retrouver la foi
sors des accolades pour renouer les mains libérées
ouvre ton coeur d’amour pour le remplir de compassion
et oublie quelque fois pour à jamais te souvenir

réveille-toi maintenant à la fin de l’ivresse
réjouis-toi à présent aussi bien que dans la solitude
accomplis ta vie même si le parcours semble impossible
et retrouve la saison d’amour malgré la pluie qui s’attriste

ouvre et lis mes poèmes quand le ciel sombre dans la mer nocturne
penche-toi sur ton âme de rose
quand le soleil mûrit à tes lèvres de miel
consulte ton coeur du tréfonds de tes peines
pour vouloir en mourir un moment et les survivre dans l’éternité

continue les incantations pour joindre la prière à la vie
détruis les barrières pour retracer les voies nouvelles
écoute jusqu’à la fin cette chanson si tu ne reviens plus
et crois au secret des signes quand la lumière s’éteint

pense à nous mon amour pour aimer l’humanité
ou pour toi seule j’inviterai nos sommeils superposés

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LUU NGUYEN DAT

(PAROLES DE SABLE, 2014)

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OPEN YOUR HEART OF LOVE

stay away from dogmas to find faith
come out of accolades to gather liberated hands
open your heart of love to fill it with compassion
and forget sometimes to remember forever

wake up now at the end of the drunkenness
rejoice now as well as in the solitude
accomplish your life even if the course seems impossible
and find the season of love despite the rain is sad

open and read my poems
when the sky sinks in the night sea
bend over your soul of the rose
when the sun ripens to your honey lips

consult your heart from the depths of your troubles
to want to die a moment
and survive in eternity

continue the incantations to join the prayer to life
destroy barriers to retrace new ways to go
listen to this song to the end if you do not come back
and believe in the secret of the signs when the light goes out

think of us darling to love humanity
or for you alone I will invite our overlying sleep

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LUU NGUYEN DAT

(VOICES OF SAND, 2019)

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HÃY MỞ RỘNG TÌNH YÊU

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. hãy đứng xa giáo điều để tìm về tôn giáo

hãy ra khỏi vòng ôm để nối lại tầm tay

hãy mở rộng tình yêu để thu vén tình người

hãy quên đi từng phút để nhớ lại từng giây

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hãy thức tỉnh lần đầu khi còn say lần cuối

hãy tận hưởng đầy vơi ngay trong hồn vắng vợi

hãy đi suốt cuộc đời dù không sao đi nổi

hãy hẹn lại mùa yêu dù mưa buồn trăm nỗi

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hãy mở đọc thơ tôi khi trời là biển tối

hãy ghé lại tâm hồng khi nắng ngọt viền môi

hãy thăm hỏi lòng em từ đáy nguồn bối rối

hãy chết đi chốc lát để vĩnh cửu trào khơi

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hãy nối dòng ca ngợi để tụng niệm vào đời

hãy phá vỡ tường ngăn để thêm đường thay lối

hãy nghe hết bài ca khi không còn trở lại

hãy tin vào mật ngữ khi ánh sáng xa xôi

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hãy vì nhau em nhé mà thương tiếc loài người

hay vì em tôi sẽ gọi giấc ngủ chắp đôi

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LƯU NGUYỄN ĐẠT

(LỜI CỦA CÁT, 2014)

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Hirondelle

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Hirondelle qui vient de la nue orageuse
Hirondelle fidèle, où vas-tu ? dis-le-moi.
Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?
Écoute, je voudrais m’en aller avec toi, Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,
Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,
Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,
Vers les astres errants qui roulent dans les airs. Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes
Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts
Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,
Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers. Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !
Je ne sais quel écho par toi m’est apporté
Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,
Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.

Louise Michel

Extrait du site du printemps des Poètes (2010 Poèmes Couleur Femme)

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Here is Vỹ Dạ Hamlet – Voici Le Hameau Vỹ Dạ

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ĐÂY THÔN VỸ DẠ

Sao anh không về chơi thôn Vỹ,
Nhìn nắng hàng cau, nắng mới lên ?
Vườn ai mướt quá, xanh như ngọc,
Lá trúc che ngang mặt chữ điền.

Gió theo lối gió, mây đường mây,
Dòng nước buồn thiu, hoa bắp lay…
Thuyền ai đậu bến sông trăng đó,
Có chở trăng về kịp tối nay ?

Mơ khách đường xa, khách đường xa,
Áo em trắng quá, nhìn không ra.
Ở đây sương khói mờ nhân ảnh,
Ai biết tình ai có đậm đà ?

HÀN MẶC TỬ (1912-1940)

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* English translation by Thomas D. Le, 16 February 2008 :

HERE IS VỸ DẠ HAMLET

Why aren’t you back to Vỹ Dạ Hamlet,
To watch the sun rising over the areca trees ?
Whose garden is so lush in jade-like green,
And bamboo leaves cover whose firm square face ?

The wind and cloud each follows its own way.
The stream is cheerless, the corn flowers sway.
And that boat moored at that moon river
Can it lug its load of moon back tonight ?

I dream of one so far away, oh far away.
Your dress is so pure white, it’s hard to recognize.
Here fog and smoke obscure much of the landscape,
How could one tell who is the passionate lover ?

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* Traduction française par Trúc Huy, 10 Octobre 2014 :

VOICI LE HAMEAU VỸ DẠ

Pourquoi n’êtes-vous pas venu voir Thôn Vỹ,
Pour admirer le lever du soleil sur les rangs d’aréquiers ?
À qui ce jardin si luxuriant et si verdoyant qui ressemble à du jade,
Et des feuilles de bambou couvrent un parfait visage ovale.

Le vent poursuit son chemin et les nuages poursuivent leur route.
Près d’un cours d’eau monotone, les fleurs de maïs se balancent doucement…
Cette barque amarrée à l’embarcadère de la rivière au clair de lune,
Pourra-t-elle amener à temps la belle lune pour cette nuit ?

Je rêve de toi, ô belle voyageuse, sur la route lointaine, lointaine.
Ta robe est d’un blanc si pur, je la reconnais à peine.
Ici la brume et le brouillard obscurcissent le paysage environnant,
Qui sait si ton amour restera toujours aussi passionné ?

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ĐÂY THÔN VỸ DẠ

Thơ : Hàn Mặc Tử – Nhạc : Phạm Duy – Trình bày : Thái Hiền

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Thơ : Hàn Mặc Tử – Nhạc : Võ Tá Hân – Trình bày : Vân Khánh

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Jamais, plus jamais ça!

A Isobel Bowdery, survivante du vendredi 13 Novembre 2015, et en hommage aux victimes

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Jamais, plus jamais ça

C’était un vendredi
Le plus terrible de ma vie.
Le soir d’une sortie
Au concert de rock avec mon petit ami.

La plus belle peur
Quand on ne s’y attend pas et on se leurre.

Et là, même allongée
Dans le sang des autres, par terre
Malgré cet enfer
J’ai toujours gardé l’espoir
Et continué à croire
En un monde qui est loin d’être noir
Mêlé de compassion et de générosité,
De « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Quand un étranger
Met sa vie en danger
Pour me protéger
« Tout va bien » voilà, pour me rassurer.
Les dernières paroles d’amour
D’un couple, dans l’expectative du secours.
Quand les forces d’intervention alertées,
Se sont démenées.
Des centaines de morts et blessés.
Elles ont assuré
Face à l’adversité.
Quand en pleurs, croyant mon amour perdu
Consolée par des inconnus
Qui m’ont ramassée,
Hébétée, dans la rue. Quand un homme blessé
Pris pour mon amour retrouvé
Seul et lui-même effrayé
N’a pas hésité
A m’enlacer
Pour me rassurer.
Quand une porte est ouverte
Et l’aide offerte
Par cette femme, une parfaite inconnue
Aux survivants de la nuit.
Quand un ami
Vous propose un abri
Et de nouveaux habits
A l’instant acquis
Pour remplacer
Votre vêtement, de sang entaché.
Quand du monde entier
Des messages ont afflué
Pour me réconforter.
Oui, ce monde a encore des possibilités
De devenir meilleur. Pour que plus jamais
Cela ne se reproduira. Plus jamais.

Minh Chau Campmas

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Never let this happen again

It was a Friday night
A night of fright
Of all my life
Never think it will happen to you, but this strife !
Here as I lay down in their blood
Still keeping believing in the good
When a stranger put his life on line
To try and cover my brain…Everything is fine.
When I heard the last words of love
From a couple in love.
When the police was there
To rescue hundreds of people, everywhere
When I truly believed dead my lover,
They picked me up, the complete strangers.
When an injured man
All alone and
Scared himself still held me
And reassuring me.
When a woman opened her door
To help the survivors.
When a friend offered shelter
And new clothes because of my top blood stained forever.
When I received caring messages from all
Supporting me.Then this world has the potential
To be better. And never
Let this happen again. Never.

Minh Chau Campmas

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Vieillir

Joli texte plein de vérités et de philosophie, dont on ne connait pas l’auteur.

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Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son coeur ;
Sans remord, sans regret, sans regarder l’heure ;
Aller de l’avant, arrêter d’avoir peur ;
Car, à chaque âge, se rattache un bonheur.

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son corps ;
Le garder sain en dedans, beau en dehors.
Ne jamais abdiquer devant un effort.
L’âge n’a rien à voir avec la mort.

Vieillir en beauté, c’est donner un coup de pouce
À ceux qui se sentent perdus dans la brousse,
Qui ne croient plus que la vie peut être douce
Et qu’il y a toujours quelqu’un à la rescousse.

Vieillir en beauté, c’est vieillir positivement.
Ne pas pleurer sur ses souvenirs d’antan.
Être fier d’avoir les cheveux blancs,
Car, pour être heureux, on a encore le temps.

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec amour,
Savoir donner sans rien attendre en retour ;
Car, où que l’on soit, à l’aube du jour,
Il y a quelqu’un à qui dire bonjour.

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec espoir ;
Être content de soi en se couchant le soir.
Et lorsque viendra le point de non-recevoir,
Se dire qu’au fond, ce n’est qu’un au revoir.

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Ce N’est Plus la Terre de Mon Grand-Père

En 2060’

Ce n’est plus la Terre de mon grand-père

Tu n’es plus la Terre de mon grand-père

Toi qui étais si belle avec une peau si verte

Aujourd’hui tu jaunis et tu deviens déserte

Tu n’es plus la Terre de mon grand-père

Toi qui avais un sang tout bleu, tout doux

Toi dont ciel et nuage toujours étaient jaloux

Aujourd’hui tu noircis, de toi s’en va la vie

Tu n’es plus la Terre de mon grand-père

Toi qui nourrissais la faune et la flore de ta chair

(Qui) abritais des peuples qui t’appelaient chère Mère

Mais qui meurent aujourd’hui de faim et de misère

Quelque part au loin, la mer porte-t-elle encore dans son sein des enfants dauphins ?

Ou oublie-t-elle déjà leurs aventures sans fin, asphyxiées par les îles de détritus urbains ?

Là haut au Pôle Nord, jouent-ils toujours les ours et les pingouins ?

Ou s’endorment-ils sans hiver, le ventre noué par la faim ?

Toi la Terre des Hommes d’autrefois

Tu es toujours là et pourtant on te perd déjà…

Grand-père tu vivais en l’an 2000

Tu respirais de l’air sain, tu mangeais du bon pain

Tu prenais un grand bain chaque matin

Tu menais une vie sans songer à demain

Tu laissais l’eau couler de ton robinet, parfois pour rien

Une forêt brûlée, une espèce éteinte,

Tout cela ne t’inquiétait point

Grand-père, si tu vivais encore, tu déplorerais bien ce passé dont résulte cet avenir damné

Où l’on voit l’eau se raréfier

Au point que l’homme n’a plus de larmes pour le pleurer

Rien que des corps séchés, des âmes déboussolées

Des visages écrasés par des ultra-violets sous la couche d’ozone trouée

Des poumons qui engouffrent de l’air…empoisonné

Des oiseaux mazoutés, des rivières asséchées…

Vois-tu alors cette vérité, cher grand-père ?

Des trésors de la Terre, votre génération, vous n’avez rien laissé.

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Nguyễn Hà Nhật An và Đinh Quốc Khánh (Sài Gòn-2010)
Premier Prix IDECAF 2010

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Charlie, ce n’est pas fini

Charlie, ce n’est pas fini

La musique n’a pas de frontière.

L’art non plus. Mais la religion, si. Une sacrée barrière !

Ou plutôt un mur, comme le mur de Berlin naguère.

On dirait que les gens ont aussi des œillères.

On se croirait revenir en arrière,

Quand on voit cette barbarie,

Toute cette tuerie.

En Iraq, Syrie. Des réfugiés Yazidis…

Et maintenant Charlie…

Oui, ça peut vous coûter la vie

Juste quelques dessins, un peu d’ironie.

Il y a des jeunes qui n’ont rien compris.

Au professeur, voilà ce qu’ils ont dit

“Chez nous, on ne plaisante pas, Mme”. Voilà, on est cuit.

“Egalité, Fraternité et Liberté”, on leur a pourtant appris.

La France, dans la douleur, réunie.

Mais, il y a des gens qui n’ont pas encore compris.

Charlie, ce n’est pas fini.

Le pire est à venir… A craindre pour nos petits.

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Minh Châu
College Francais de Nha Trang

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Liberté chérie *
* Marche républicaine du 11-1-2015 Aux pays qui n’ont pas de liberté
Je dis : Pourquoi y participer ?
« Je suis Charlie », comme une marche forcée.
Faire bonne figure, mascarade…Récupération médiatisée.
Politiquement correct et conscience déculpabilisée.
Ceux qui sont morts, seront-ils honorés ou fâchés ?
Enfin, quand même une sacrée journée ! La France, quelque peu divisée.
« Je suis Charlie » « Je ne suis pas Charlie »… A quoi bon polémiquer ?
Vous avez pu vous exprimer.
L’essentiel. Et vive la liberté ! Dans la foule des participants, en cette journée,
Beaucoup d’enfants ont défilé.
Certains se sont demandés :
« C’est qui ce Charlie, papa, maman ? », assez étonnés.
« Quelqu’un de courageux, à cause de ses dessins tué ».
« Moi aussi, j’aime bien dessiner.
Est-ce qu’on va me tuer ? ».
Bonne question, mon petit. A nous la Vérité.
Jusqu’où va la Liberté ?
Le droit à l’expression. Pas le droit de tuer !
« A vous les crayons, oui, dessinez ».
Pour qu’un peu de rêve, de fantaisie, d’humour soit distribué.
Pour que ce monde soit égayé.
On en a besoin. A cause du lendemain, trop stressé. Il y a un demi-siècle, un peuple a perdu sa liberté.
Et son pays – le pays des ancêtres de dragons et de fées nés.
C’était le mien, le tien, le sien… Liberté chérie, ô liberté.
Quant à ceux qui sont restés
Vérité bâillonnée,
Pays d’invasion menacé,
Jeunes patriotes condamnés. On n’est plus tout jeune, en somme.
Les soixante-huitards que nous sommes.
Le passé, des regrets.
Le présent, des retraités.
Le futur, des inquiets.
Cet héritage qu’on vous a laissé
Chers enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants… Sincèrement, désolé. Minh Châu
12-1-2015

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C’est ça, notre monde, dis, Papi ?

Alors, c’est ça notre monde, dis, Papi ?
Notre héritage, un futur déjà pourri.
Autour de nous, que des tueries.

Et dire qu’à ton époque, John Lennon chantait
« Imagine » pour un monde en paix.
Et dire qu’en mon temps, on ne pense qu’à tuer.
Des têtes d’otages coupées.
Des innocents massacrés.
Un peuple exterminé.
Et partout, on voit des réfugiés.

Au nom de quoi, cette gratuite tuerie ?
Le monde plié, sous des menaces, converti ?
Alors, moi, au nom de la Liberté, je prie.
A nous, les générations futures, tous les droits
Le droit de choisir, croire, penser, s’exprimer…TOUT quoi !

J’ai un message pour tes contemporains, Papi :
« Certains d’entre vous, en martyrs, n’ont pas peur de mourir
On vous a promis le paradis. Non-sens, à vrai dire.
Alors, tuez, pour aller en enfer,
Et les âmes innocentes, au paradis à votre place, pépères.
A cause de vous, nous, les petits, on doit vite grandir.
En adultes, réfléchir déjà et mûrir.
A cause de vous, des familles orphelines, des enfants à la rue,
Vivant sans lendemain, tout espoir perdu ».

Moi, ce n’est pas le monde que j’ai imaginé.
« Imagine », voilà la chanson que j’aime chanter.
Vivre en paix. Pour aimer, partager et encore rêver.

Car un monde sans rêves est un monde fini.
Un monde sans amour, c’est la guerre garantie.
Un monde sans libertés,
Non, s’il vous plaît, de grâce, pitié !

Minh Chau

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Le Pays d’Avant

Ton-That Thanh-Van

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Le pays d’avant
Il est vert
Rivière
Pays cocagne
De cocotiers
Pays de montagnes
De bananiers

Le pays d’avant
Il est bleu
Il est sel
Il est feu
Il est miel
Déli-ciel

Le pays d’avant
Il est doux
Il est boue
Pays de rivières
Pays de fleuves
Pays de lumières
Naguère
En guerre
Pays de veuves

Le pays d’avant
Il est fruit
Tendre
Goûté
Il est pluie
Cendres
D’été
Il est bruits
Des cités
Brûlantes
A vendre

Le pays d’avant
Il est visages
Sans âge
Villages
Paisibles
Il est facile
A voir
Difficile
A voir
Invisible

Le pays d’avant
Il est moussons
Violentes
Il est frisson
De voix lentes
De terres
Sanguinolentes
De mers
Indolentes
De mères implorentes

Le pays d’avant
D’avant quoi
D’avant qui
D’avant moi
D’avant ici
D’avant vous

Devons nous
Pleurer
Pays leurré
Souvent
Enterré
Sous le vent
Effleuré
Dans les rêves
Flairé
Serré
Emmuré
Murmuré
Du bout des lèvres
En déshérence
Errance
Désespérée

Le pays d’avant
Il n’existe plus
Il est perdu
On n’a jamais su
On l’a jamais vu
On n’a jamais pu
Le prouver

Le pays d’avant
Il n’existe pas

Extrait du recueil “Le Pays d’avant”
Edition PORTAPAROLE
00174 Roma
Via Tuscolana , 806
www.portaparole.it
info@portaparol.it

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Traduction de chansons populaires vietnamiennes

Dang Tien (BP60)

Journée thématique
« Traduire en français l’expression de l’amour dans les poésies de l’Asie orientale, de l’Inde et de la Perse »
21 décembre 2010
Maison de la Culture du Japon à Paris

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En vietnamien, le terme « chanson populaire », ca dao, désigne un genre littéraire précis : des textes poétiques courts, improvisés et transmis oralement, à côté des œuvres littéraires traditionnelles, celles des lettrés, transmises par l’écriture. Les textes écrits sont, en général des auteurs connus, à la différence des textes oraux, d’auteur inconnu. Le mot ca dao signifie : chansons sans dessin mélodique précis, il appartient au récitant de moduler la musique à sa guise.

Dans la terminologie vietnamienne, le mot ca dao a un contenu littéraire précis, plus restreint que sa traduction chanson populaire qui, en français, a un sens plus large.

Le mot est employé ici dans son sens vietnamien, à une nuance près : les textes ne sont plus improvisations comme à l’origine, ils ont été imprimés, comme texte quelconque et traduits à partir des textes visuels, ce qui pose quand même des questions de principe.

Textes poétiques improvisés oralement par des paysans et paysannes qui souvent ne savaient ni lire et écrire. Création poétique spécifique à laquelle la structure phonétique et sémantique de la langue se prêtait, et les auteurs-acteurs y sont habitués par apprentissage et pratique.

Nous partons d’un texte des plus connus, des plus traduits :

Thân em như tấm lụa đào

La jeune fille se compare à une pièce de soie flottant au vent, pour exprimer l’inquiétude sur son sort indéterminé. Nous prenons la traduction la plus récente, sans doute la plus réussie :

Telle la pièce de soie rose
Qui au marché, sous la brise,
Frémit et se dit :
Quelle main va me prendre ?
Branche de bambou,
Branche abricotier,
Je m’appuie et me dis :
Au levant le pêcher,
Au couchant le saule,
Qui sera mon aimé ?

Le traducteur (inconnu) dans une histoire de la peinture signée Corinne de Menonville, 2003, respecte le sens du texte vietnamien que nous appelons texte A :

Thân em như tấm lụa đào,
Phất phơ giữa chợ biết vào tay ai ?
Em vin cành trúc,
Em tựa cành mai,
Đông đào tây liễu biết ai bạn cùng ?

Françoise Corrèze a livré une traduction aussi fidèle, sans doute moins mélodieuse :

Pareille à la soie rose
Qui frémit au marché
Et se dit
« en quelle main, hélas, vais-je tomber ? »
je m’appuie au jardin
branche d’abricotier
ou branche de bambou
au levant le pêcher
et le saule au couchant
qui sera mon époux ?

(1983)

Le texte vietnamien est assez long, relativement, sans doute moderne. Pham Quynh dans une conférence en 1929, a donné une autre version, sous forme question / réponse, dans un échange de chansons alternées (hát đối đáp) que confirma Nguyên van Huyên dans une thèse de doctorat vers 1930, publiée en 1934 :

Garçon :

Vous êtes, ma sœur, comme une pièce de soie rose
Est-elle encore libre ou bien est-elle déjà retenue par quelqu’un ?

Fille :

Je suis, mon frère, comme une pièce de soie rose
Qui flotte au vent au milieu du marché et
Ne sait en quelles mains elle va tomber.

Traduction de Nguyên van Huyên, 1934

Je suis comme une pièce de soie rose
Elle flotte dans le marché, je ne sais en quelle main elle tombera

Celle de Lê thanh Khôi, 1995 :

Vous êtes, petite sœur, comme une pièce de soie rose
Est-elle intacte, est-elle entre les mains de quelqu’un ?

– Je suis comme une pièce de soie rose
Flottant au marché sans savoir en quelles mains elle tombera

L’original vietnamien, d’après Pham Quynh que nous appelons texte B :

_ Thân em như tấm lụa đào,
Còn nguyên hay đã xé vào tay ai ?

Thân em như tấm lụa đào,
Phất phơ trong chợ biết vào tay ai ?

Le texte A est le monologue d’une jeune fille inquiète de son destin, un sentiment moderne, universel, assez facile à traduire.

Le texte B est un dialogue sous forme de question-réponse dont il faut restituer la structure. Pham Quynh, pour le faire, a dû employer en apostrophe, les substantifs ma sœur, mon frère, encombrants et déroutants ; les termes em, anh en style direct, en vietnamien, sont employés comme pronoms personnels, qu’il suffit de traduire par « je, tu » quand le contexte assez explicite le permet. Pour le texte « pièce de soie », Mesdames Corrèze et Menonville l’ont fait et rendu leur traduction allègre et expressive. Malheureusement, dans d’autres traductions, Françoise Corrèze utilise souvent ces substantifs lourds, ainsi que Lê Thanh Khôi. Sans doute sont-ils prisonniers de l’esprit vietnamien et du souci pédagogique. La liberté est une des premières conditions de la traduction, qui n’exclut pas forcément la fidélité.

Rétablir un texte oral dans sa forme originale historique est difficile et concerne seulement l’érudition : le lecteur moyen s’intéresse à la version la plus transparente, la plus universelle, même modernisée qui se prête plus facilement à la traduction – par exemple celle, du recueil de Vu Ngoc Phan, 1957, la plus largement diffusée, souvent rééditée.

On y trouve cette chanson, certainement ancienne, sous forme de dialogue : l’homme exprime les regrets d’un amour perdu, la femme lui retourne le reproche : pourquoi ne m’as-tu pas, jadis, demandé en mariage ?

Traduction de Lê Thanh Khôi :

J’ai grimpé sur le pamplemoussier pour en cueillir les fleurs,
Je suis descendu au champ d’aubergine pour chercher des bougeons de tâm xuân,
Des bourgeons de tâm xuân donnent des fleurs d’un vert chatoyant,
Vous avez un mari, cruel est mon regret.

… Maintenant que je suis mariée,
Pourquoi ne m’avoir point demandée quand j’étais libre.
Maintenant je suis mariée
Comme l’oiseau en cage, le poisson pris à l’hameçon,
Le poisson pris à l’hameçon peut –il se libérer,
L’oiseau en cage sait- il quand il s’échappera ?

… Trèo lên cây bưởi hái hoa,
Bước xuống vườn cà hái nụ tầm xuân.
Nụ tầm xuân nở ra xanh biếc,
Em đã có chồng anh tiếc lắm thay.

… Ba đồng một mớ trầu cay,
Sao anh chẳng hỏi những ngày còn không ?
Bây giờ em đã có chồng,
Như chim vào lồng, như cá cắn câu.
Cá cắn câu biết đâu mà gỡ,
Chim vào lồng biết thuở nào ra ?

Curieusement, Lê Thanh Khoi, à l’instar de Pham Quynh, dans sa traduction en 1929, page 71, a tronqué un vers, qui porte toute l’amertume du reproche dans la réponse de la femme : « une part de bétel ne coûte que trois sous »

(le bétel étant un cadeau de fiançailles : alors, pourquoi n’as-tu pas demandé ma main quand j’étais encore libre, avec un tel cadeau symbolique). Lê Thanh Khôi , suivant Pham Quynh, a réparé l’omission en répétant le vers « je suis mariée » ce qui étonne le lecteur vietnamien. Dans le vaste recueil de Nguyên van Ngoc, 1928, qui constitue la compilation de base la plus ancienne pour nos recherches, le texte intégral comporte encore 4 vers, qui hélas, sont médiocres.

Les deux traducteurs, dont l’érudition est légendaire, n’ont pas su traduire le mot tầm xuân (églantier). Lê Thanh Khôi a même fourni une explication erronée : plante ornementale cultivée en pot (p. 57). Le mot tầm xuân, plante sauvage, a un autre contenu sémantique et signifie « la recherche du printemps » qui ajoute une connotation nostalgique au texte, difficile à rendre en traduction.

Pham Quynh a cru bon d’ajouter une idée « mais à qui les offrirai-je (fleurs d’églantier) puisque vous êtes mariée ». L’ajout – sans doute pour des raisons de cohérence didactique – est ici malvenu : la poésie a sa propre cohérence qu’ignore la cohérence didactique. En outre, jadis, les vietnamiens n’avaient pas la tradition de s’offrir des fleurs – sauf en offrande au culte des ancêtres ou du Bouddha.

Tous ces exemples démontrent que la traduction des ca dao, chansons populaires est délicate, mais possible.

Chansons populaires ne sont pas une spécificité vietnamienne ; voici un siècle que Jean Paulhan a livré une lumineuse présentation et brillante traduction des Hain Tenys malgaches (1913) qui ressemblent étrangement aux chants alternés vietnamiens. Il nous offre en même temps des vues profondes sur la nature de la poésie.

La structure linguistique vietnamienne se prête au jeu poétique, nous l’avons dit et Nguyên van Huyên l’a prouvé longuement.

Ajoutons que la vie sociale y contribuait. Les relations garçons/filles, hommes/femmes étaient fréquentes et assez libres dans diverses activités du village : fêtes traditionnelles, jour de marché, protection des digues, mais surtout travaux agricoles. La culture du riz en terre inondée, le repiquage par exemple, exige un travail des deux sexes, lourde besogne précise, méticuleuse, urgente, faisant appel souvent à la main d’œuvre saisonnière venant d’autres villages, ce qui élargit le cercle des relations.

Filles et garçons échangent leurs sentiments et l’expression d’amour est naturellement privilégiée : d’où richesse de ce thème, qui met en valeur la femme dont le rôle dans le travail champêtre est déterminant.

Cet aspect humain et littéraire est d’un grand intérêt pour le lecteur moderne dont le traducteur doit tenir compte.

Dang Tien
17.12.2010

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Bibliographie

-  Nguyên van Ngoc, Tuc ngu phong dao (Dictons et Chansons populaires), édit. Vinh hung Long, Hanoi, 1928. Edit. Bôn Phuong, Saigon, 1952.

-  Pham Quynh, Le Paysan Tonkinois à travers le parler populaire .Conférence 19-12-1929, édit. Đông Kinh, Hanoi, 1930, Sudestasie, 1985, Paris.

-  Nguyên van Huyên, Les Chants alternés des garçons et des filles en Annam, Paul Geuthner, 1934, Paris.

-  Lê Thanh Khôi, Aigrettes sur la rizière, Gallimard, 1995, Paris.

-  Anthologie de la littérature populaire du Vietnam, par Huu Ngoc et Françoise Corrèze, l’Harmattan, 1982, Paris

-  Vu Ngoc Phan, Tục ngữ – Ca dao (Dictons et Chansons populaires), édit. Khoa hoc xã hoi, 1957 et 1978, Hanoi.

-  Marcel Granet, Fêtes et Chansons anciennes de la Chine, 1919, Albin Michel, 1982, Paris.

-  Corinne de Menonville : La Peinture Vietnamienne, Arbis, 2003, Paris.

-  Jean Paulhan, les Hain-Tenys, Gallimard,1938, Paris

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Poèmes

Être et Avoir

Loin des vieux livres de grammaire,
Écoutez comment un beau soir,
Ma mère m’enseigna les mystères
Du verbe être et du verbe avoir.
Parmi mes meilleurs auxiliaires,
Il est deux verbes originaux.
Avoir et Être étaient deux frères
Que j’ai connu dès le berceau. Bien qu’opposés de caractère,
On pouvait les croire jumeaux,
Tant leur histoire est singulière.
Mais ces deux frères étaient rivaux. Ce qu’Avoir aurait voulu être
Être voulait toujours l’avoir.
À ne vouloir ni dieu ni maître,
Le verbe Être s’est fait avoir. Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro,
Alors qu’Être, toujours en manque
Souffrait beaucoup dans son ego. Pendant qu’Être apprenait à lire
Et faisait ses humanités,
De son côté sans rien lui dire
Avoir apprenait à compter. Et il amassait des fortunes
En avoirs, en liquidités,
Pendant qu’Être, un peu dans la lune
S’était laissé déposséder. Avoir était ostentatoire
Lorsqu’il se montrait généreux,
Être en revanche, et c’est notoire,
Est bien souvent présomptueux. Avoir voyage en classe Affaires.
Il met tous ses titres à l’abri.
Alors qu’Être est plus débonnaire,
Il ne gardera rien pour lui. Sa richesse est tout intérieure,
Ce sont les choses de l’esprit.
Le verbe Être est tout en pudeur
Et sa noblesse est à ce prix. Un jour à force de chimères
Pour parvenir à un accord,
Entre verbes ça peut se faire,
Ils conjuguèrent leurs efforts. Et pour ne pas perdre la face
Au milieu des mots rassemblés,
Ils se sont réparti les tâches
Pour enfin se réconcilier. Le verbe Avoir a besoin d’Être
Parce qu’être, c’est exister.
Le verbe Être a besoin d’avoirs
Pour enrichir ses bons côtés.

Et de palabres interminables
En arguties alambiquées,
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été

Auteur inconnu

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