par Vo Thanh Tho (JJR 68)
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Le 22 octobre 2007, Nicolas Sarkozy, Président de la République Française, a demandé aux enseignants d’Histoire des lycées de lire la lettre de Guy Môquet, jeune résistant français, fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941.
Parmi les fusillés figurait également Huỳnh Khương An, un de nos compatriotes dont peu d’historiens se rappellent l’existence et encore moins le nom.
Fils du directeur d’un établissement scolaire à Saïgon, le professeur Huỳnh Khương Ninh, An est venu à Lyon pour poursuivre ses études. Il y a connu Germaine Barjon qui est devenue sa compagne et avec laquelle il a eu un enfant. En 1938, il prépare l’agrégation et en 1940, il est nommé professeur stagiaire au lycée de Versailles. Rentré dans la politique quelques années auparavant, il participait avec sa compagne à la résistance contre l’armée allemande. Il fut arrêté par la Gestapo, le 18 juin 1941, puis envoyé à Châteaubriant.
Peu de temps avant son exécution, An a écrit, comme quelques-uns de ses camarades d’infortune, une dernière lettre à sa compagne.
Arrêtée en même temps que lui, Germaine Barjon fut internée à la prison centrale de Rennes puis déportée à Ravensbrück et a finalement survécu à sa déportation.
Les ultimes mots de An laissés à Germaine, autant émouvants que lucides, méritent également d’être connus, pour remédier quelque peu à un oubli de l’Histoire et surtout de l’histoire humaine.
Ils témoignent de son courage et de son humanité, appartenance politique mise à part.
Rappelons qu’avec Guy Môquet, qui a donné son nom à une station de métro parisien et dont la dernière lettre est désormais portée à la connaissance des lycéens français, 26 autres résistants sont également tombés sous les balles du peloton d’exécution le mercredi 22 octobre de l’an 1941 (2).
Voici la lettre de An.
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Camp de Choisel ce mercredi 22 octobre 1941 à 14 heures
Ma chère Germaine,
Sois courageuse, ma chérie. C’est sans aucun doute la dernière fois que je t’écris.
Aujourd’hui, j’aurai vécu. Nous sommes enfermés provisoirement dans une baraque non habitée, une vingtaine de camarades, prêts à mourir avec courage et avec dignité. Tu n’auras pas honte de moi. Il te faudra beaucoup de courage pour vivre, plus qu’il n’en faut à moi pour mourir. Mais il te faut absolument vivre. Car il y a notre chéri, notre petit, que tu embrasseras bien fort quand tu le reverras. Il te faudra maintenant vivre de mon souvenir, de nos heureux souvenirs, des cinq années de bonheur que nous avons vécues ensemble.
Adieu, ma chérie.
Mes baisers
Mes dernières caresses.
À tes parents mes affectueux baisers.
Huynh Khuong An
Il avait 29 ans.
La lettre originale de An est conservée par le musée de la Résistance nationale à Champignysur-Marne.